Edition spéciale - retour sur “Radar, les nouveaux acteurs de l’info”

Nous voici un jeudi pour un hors-série exceptionnel : on revient sur la 1ère édition de «Radar by Kessel », le cycle de talks dédié aux nouveaux acteurs de l’info, avec une entrée en matière aussi excitante que flippante : à qui faire confiance ? Lisez jusqu’à la fin pour découvrir qui a empoché la bourse Radar. À dans cinq minutes ! 👀

🔗 HyperTextes
4 min ⋅ 04/12/2025

Les nouveaux acteurs de l’info

(c) EU DisinfoLab(c) EU DisinfoLab

Le nouveau 20h. Le journal télévisé en famille, c'est fini. Aujourd'hui, le "jeune" passe 59 minutes par jour sur YouTube. Logique : il cherche l’info là où elle s'incarne désormais, chez les nouveaux patrons du secteur comme HugoDécrypte, Mamad Dembele, OK Charlotte ou Benoit le Corre. Des « médias next gen » que les chaînes nationales, sentant le vent tourner, s'arrachent désormais.

De l’ORTF à McFly & Carlito. Le changement de paradigme est violent mais pas nouveau. De Gaulle avait déjà choqué en s’adressant aux Français en direct à la télé, dérogeant par la même à la sacro-sainte intermédiation des journalistes de presse. Quelques générations de présidents plus tard, Macron contourne cette fois la télé en s’adressant directement aux Français via les influenceurs. On est en plein covid. Le besoin de pédagogie pour les gestes barrière ne souffre pas le protocole. Voilà notre Président chez McFly et Carlito. On lui a reproché d'abîmer la fonction présidentielle avec son concours d'anecdotes ? Le résultat est pourtant implacable : 29 % des Français ont vu la vidéo. Et l’adoption des gestes barrière fait son entrée chez les plus jeunes générations. Raconté avec beaucoup d’humour hier sur la scène de Radar par Clément Léonarduzzi (Publicis Consultants).

La méthode fait école, voilà notre Président courant d’Hugo Décrypte au Crayon en passant par Matthieu Stefani. Désormais, médias installés et journalistes indépendants se côtoient, voire collaborent.

Le nerf de la guerre. Reste une question : qui paie à la fin du mois ? La formule de Geoffrey La Rocca (CEO de DC Company) sonne comme un avertissement - « Un média pas rentable est vulnérable, et quand on est vulnérable on est achetable » - alors que les médias traditionnels se font laminer par les GAFAM qui siphonnent la manne publicitaire : -70 % de recettes pub en vingt ans, ça fait mal.

Ne sommes-nous pas en train de réaliser brutalement à nos dépens que la confiance se construit aussi avec des moyens ? Il serait temps de se réveiller.

La carte du tendre. Si vous avez l'impression de nager en surface quand il s’agit de la CreatorEconomy, pas de panique : Socialrama, le media de l’influence et des créateurs, a fait le travail pour vous. Ils ont décrypté et sélectionné les 120 acteurs qui informent vraiment aujourd'hui.

La voici, sous vos yeux ébahis (ouf, elle est cliquable) :

La cartographie du nouveau journalisme et des créateurs d'information (c) SocialramaLa cartographie du nouveau journalisme et des créateurs d'information (c) Socialrama

3 choses qu’on aurait préféré ne pas savoir qu’on a apprises à Radar

1. De l’info clonée et le réseau Pravda qui vous ment gentiment

La recette “Doppleganger” est simple : des sites d’info européens clonés et détournés pour y poster de la propagande pro-russe. Plus subtil encore et beaucoup plus efficace : le réseau “Pravda”, une myriade de sites “d’info” pour intégrer le circuit médiatique, se faire citer massivement par des médias occidentaux, afin de devenir peu à peu une source perçue comme crédible. Une guerre de l’information, emballée comme un deepfake. se faire citer massivement .

Merci à Alexandre Alaphilippe de EU DisinfoLab pour son intervention passionnante.

2. Les plateformes encaissent sur la manipulation de masse

Ces actions de manipulation sont parfaitement connues des géants du web. Pire : elles sont monétisées par les plateformes comme n’importe quelle autre forme de publicité.

Comme l'a révélé une enquête Reuters, Meta gagne une fortune sur une avalanche de publicités frauduleuses. Les algorithmes permettent d’identifier des groupes précis pour leur « pousser » l’info qu’on souhaite, sans aucun état d'âme.

3. L’avare cognitif

C’est le petit nom que Daniel Kahneman donne à votre cerveau. - développant ainsi le concept introduit pour la première fois en 1984 par Susan Fiske et Shelley Taylor - une machine programmée pour la « loi du moindre effort » qui privilégie le confort du Système 1 (rapide et intuitif) à la rigueur énergivore du Système 2. Résultat, nous sommes biologiquement vulnérables à la désinformation, car il est toujours moins coûteux métaboliquement de croire une fake news rassurante que de vérifier une vérité complexe.

Démonstration faite en live par Adrien Suru (Allianz) hier…

Le pavé dans la mare de la semaine : A qui faire confiance ?

Depuis 150 ans - la guerre du Mexique en 1846, comme l’a rappelé hier Alfred de Montesquiou à ceux qui l’avait zappé - une photo, ou mieux une vidéo, valait preuve. Avec Midjourney, Sora et consorts, nous savons désormais que c’est terminé : l’IA générative a enterré ce principe fondamental, pilier de la vérification des faits et de nos certitudes.

Sans compter que l’IA souvent dit n’importe quoi. Les grands modèles de langage (LLM) s’entraînent avec des données douteuses, voire fausses. Selon Newsguard, le taux de désinformation répétée par les grands chatbots a doublé en un an. Et dans une autre analyse de l'Union européenne de Radio-Télévision (UER), presque la moitié des réponses de l'IA présentent « au moins un problème significatif ». (Les Echos, 27/11/2025). 

C’est le grand paradoxe du moment. Alors que l’IA s’impose comme une redoutable machine à industrialiser le faux — transformant l’hallucination en vérité plausible — nous n’avons jamais été aussi nombreux à nous y fier aveuglément. La statistique donne le vertige : selon un sondage Mind Media/Régie 366, 30 % des Français (et un jeune sur deux chez les 18-24 ans) délèguent désormais leur veille d'actualité à l'IA. En clair : nous cherchons à comprendre le monde à travers des algorithmes probabilistes qui n’ont jamais mis un pied dehors et dont personne ne maîtrise leur logique intrinsèque.

Face à ce brouillard synthétique, Homo Informaticus totalement désorienté va dans un même mouvement - qui pourrait relever de la schizophrénie la plus complète - se tourner vers LA valeur refuge : les « signatures ».

C’est la revanche de Joseph Kessel. Quand l'écrivain-reporter affirmait « J’étais en Afghanistan, voilà ce que j’ai vu » - nous rappelle encore Alfred de Montesqiou - son patronyme agissait comme un label, une certification humaine du réel. Aujourd'hui, dans un climat de méfiance systémique, nous assistons à la résurrection de ces voix d’autorité. Faute de pouvoir vérifier les faits par nous-mêmes, nous avons besoin de retrouver ces figures d’incarnation à même de développer notre confiance.

D’ailleurs une trend TikTok résume à elle seule ce phénomène : « tant qu’Hugo Décrypte l’a pas dit, j’y crois pas. ».

Notre monde est décidément bien complexe !

Big up…

A Max Laulom : un grand bravo au journaliste et youtubeur, qui s’est vu décerner hier soir la bourse Radar, remise par Alfred de Montesquiou (lui-même Prix Albert Londres). Max Laulom est le réalisateur de “High School Radical”, un docu en 4 épisodes actuellement diffusés sur Arte.tv. Il y part à la recherche de ses anciens potes d’échange, dans un lycée de l’Oklahoma, pour comprendre ce que leurs parcours racontent de l’évolution de la société américaine, d’Obama à Donald Trump.

À voir aussi de Max Laulom : « Comment les jeunes font la fête sous les bombes ? » tourné à Kiev. Et si vous aimez, attendez la suite : Max part prochainement à Damas puis à Tuvalu rencontrer ces jeunes qui gardent la rage de vivre quand tout paraît foutu. 

La recommandation lecture qu’il vous fallait

On termine avec un livre qui décale la focale : « Désalignée », par l’essayiste et politologue Chloé Morin édité chez l'Observatoire.

Extrait : « Les plateformes ne nous censurent pas mais elles décident de ce que l'on voit. ». Tout est dit.

Un grand merci à nos partenaires engagés à nos côtés sur ce sujet de la désinformation 

À hyper vite dans HyperTextes.

🔗 HyperTextes

🔗 HyperTextes

Par Kessel -

HyperTextes, le meilleur des newsletters.

Les derniers articles publiés